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« Zone blanche bancaire » dans notre quartier : écoutons l’avis d’un expert.

Publié par le Nov 13, 2022 dans Actualités, Aménagement Urbain, Banques |

 

Lors de l’enquête d’opinion auprès des membres du conseil d’administration de l’ARQOG,  des commerçants du quartier, et des internautes, l’installation d’un DAB et d’une agence bancaire dans le quartier était souhaité par les interviewés (on peut consulter cette enquête  > ici <).

C’est dans ce cadre que nous avons demandé à Henri Blaise (président  fondateur de l’ARQOG et membre de notre CA), ancien cadre supérieur de plusieurs groupes bancaires dédiés à la banque de proximité, de répondre à nos questions. 

Henri Blaise, quel a été votre parcours professionnel ?

« J’ai créé les équipes qui ont mis en place les premiers services de marketing dans le groupe Banque Populaire. C’était dans les années soixante-dix et quatre-vingt. A cette époque, la loi Debré a instauré le paiement des salaires par virement sur les comptes bancaires. C’est ce que l’on a appelé la période de la « bancarisation » des particuliers. Cela a entrainé un très fort développement des banques de détail et une véritable course aux implantations d’agences.

Comment les banques ont elles évolué ?

Dans ma carrière, je me suis toujours occupé des questions de distribution dans le secteur bancaire, notamment dans mes fonctions à la Confédération nationale du Crédit Mutuel et BPCE. A la fin des années quatre-vingt, la bancarisation a été entièrement terminée aussi bien pour les particuliers que pour les TPE PME. Sont apparus, ensuite, de nouveaux canaux de distribution : la plupart des banques ont créé des filiales pour développer la « banque à distance ». Aujourd’hui, l’on assiste à un nouveau phénomène dans le cadre de la distribution bancaire : l’usage du téléphone portable. Cela a entrainé une absence de contact entre les conseillers et les clients. Ainsi, parmi les opérations bancaires, de plus en plus de paiements se font via un smartphone. Il n’empêche, et cela est important, que pour certaines opérations, le contact interpersonnel avec son conseiller bancaire demeure malgré tout très souhaitable. Il s’agit notamment des placements, des crédits structurants pour les ménages, tels les crédits immobiliers. Mais aussi des conseils relatifs à la gestion de patrimoine.

Notre quartier a changé de typologie sociale. Comment ?

Les banques ont engagé, depuis une dizaine d’année une rationalisation de leurs réseaux physiques : cessions d’agences, regroupement ou suppression des agences les moins rentables, ce qui n’empêche pas la création d’agences dans les nouveaux quartiers ou en rénovation (bassins à flots, Bacalan ou Euratlantique. De fait, la couverture du territoire a beaucoup changé. S’agissant de la situation de notre quartier, un quartier qui a énormément évolué ces dernières années, entrainant des changements sociologiques importants, on constate que les personnes âgées sont de moins en moins nombreuses. Le rajeunissement de la population est très sensible. De fait, les prix de l’immobilier ont très fortement grimpés, du fait de l’implantation du tramway qui nous « rapproche » considérablement de l’hyper-centre de Bordeaux.

Quelle était l’offre bancaire dans le quartier Ornano-Gaviniès ?

Sachez qu’il y avait auparavant trois banques dans le quartier ! La BNP Paribas, rue d’Ornano, en face de l’Agence Photocréation Christophe Viaud ; la Poste, rue Berruer, près de la barrière d’Ornano ; la Banque Populaire qui a pris la suite de la Citibank, au 202 rue d’Ornano, actuellement occupé par l’agence immobilière Citya. Curieusement, on a assisté à un regroupement des agences bancaires dans ce que j’appellerai des « mini-city » : toutes les agences concurrentes se retrouvent au même endroit. C’est le cas à Saint-Augustin, comme ce fut le cas barrière Judaïque. Il faut bien constater que lorsque l’on crée des mini-city en dehors de l’hyper-centre, on réduit le marché potentiel de chaque agence.

Pourquoi ce phénomène ?

Je peux en parler en connaissance de cause : les groupes bancaires ont fait appel à des sociétés de marketing extérieures plutôt que de recourir à des services intégrés. Ces sociétés délivraient les mêmes préconisations à toutes les banques. Je peux en parler librement, il y a prescription. Cela a été le cas barrière Judaïque : si l’on remonte ne serait-ce que cinq ans en arrière, y étaient implantés, le Crédit Mutuel, la BNP Paribas, le Crédit agricole et la Banque Populaire. Aujourd’hui, seule cette dernière a survécu. A Saint-Augustin, ce phénomène de « captation » a eu pour effet que nous avons aujourd’hui la BNP Paribas place Amélie Raba Léon, et dans le bourg de Saint-Augustin, la Caisse d’épargne, le Crédit Mutuel, la Poste, le Crédit Agricole, le CIC et la Société Générale. Pour que ce type de phénomène subsiste, il faut que le marché correspondant soit en très forte croissance. C’est, pour l’instant, le cas à Saint-Augustin où le marché immobilier est en forte croissance.

Et pour ce qui nous concerne, à Ornano-Gaviniès ?

Ici coexistaient trois agences, celles-ci ont disparues car le quartier subissait le creux de la vague, conséquence du chantier du tramway, d’une part, et de la construction des immeubles résidentiels et commerciaux de la rue du général de Larminat, d’autre part. On a vu la BNP Paribas se déplacer place Amélie Raba Léon, la Poste rejoindre la mini-city de Saint-Augustin. La Banque Populaire, dernière implantée, et qui avait eu du mal à décoller face aux travaux, a arbitré en faveur d’une fermeture pure et simple. Le résultat, c’est qu’aujourd’hui nous avons un espace non pourvu d’offre bancaire qui s’étend de la place Amélie Raba Léon, pour la partie ouest, jusqu’au cours d’Albret pour la partie est. Notre quartier est pourtant en croissance démographique et en croissance qualitative : des jeunes ménages s’y installent et rénovent les échoppes mais c’est un désert bancaire. Au nord, il faut aller barrière Judaïque pour trouver la Banque Populaire, que l’on retrouve au sud, barrière de Pessac.

Pourtant, la demande semble forte ?

Ce vaste espace est totalement libre d’implantation bancaire. En regard, la demande est forte pour financer des acquisitions de logements de la part de ces jeunes ménages qui arrivent pour la plupart de l’extérieur et qui s’installent dans le quartier. Je rappellerai qu’une petite échoppe se vend près de 500.000 € et qu’il existe de bonnes opportunités d’affaires…

Par ailleurs, nous sommes dans une zone touristique très importante : nous allons prochainement disposer d’un hôtel Hilton à l’angle de la rue François de Sourdis et du cours du maréchal Juin. Cette offre hôtelière viendra s’ajouter aux hôtels Ibis, Novotel et Appart’ City.

Tout ceci m’amène à penser que si j’étais toujours en activité, j’interpellerai ma direction pour lui faire savoir qu’il y a ici une opportunité importante. D’autant plus qu’un commerce va prochainement se libérer à l’angle de la place Gaviniès et de la rue d’Ornano. J’y mettrai comme je l’ai toujours fait dans ma carrière, ma signature au bas d’une occasion aussi pertinente !

Beaucoup de touristes arpentent notre quartier…

C’est un plus. Grâce au sauvetage du stade Chaban-Delmas, nous avons des événements sportifs qui attirent un flux très important de population. Si l’on ajoute que, dans les mois à venir, une liaison directe avec l’aéroport sera mise en place grâce au tramway, nous verrons une population étrangère, notamment anglaise et nord-irlandaise, s’approprier le quartier et demander, comme c’est déjà le cas très souvent : « Où puis-je retirer de l’argent pour payer en euros ? ». Payer en espèces est une habitude qui perdure, malgré ce que l’on peut penser. Prenez l’exemple des Allemands qui très majoritairement règlent leurs dépenses en cash.

En fait, nous manquons d’un véritable « service au public » ?

Au-delà d’une approche purement économique, j’interpellerais les politiques ! Nous vivons dans un quartier totalement dépourvu d’un service public de proximité. Cela crée, entre autre, un déficit d’attrait touristique très important. Je comprends fort bien que nous soyons face à une rationalisation des implantations physiques des agences bancaires. Mais celles-ci ne disparaitront pas complètement. Il existera toujours des opérations qui nécessiteront des relations interpersonnelles avec un conseiller, la nécessité d’un rapport de confiance. La couverture du territoire sera beaucoup plus rationnelle, des marchés potentiels plus importants que dans les années 80 à 2000 existeront. Je vois parmi les jeunes générations des comportements qui évoluent : lorsque l’on est très jeune, on recherche le minimum de contacts avec son banquier. En prenant de l’âge, face aux événements de la vie le besoin de s’appuyer sur un conseiller augmente fortement.

Quel conseil donneriez-vous à vos confrères ?

En conclusion, j’aimerai faire passer un message à tous les directeurs régionaux de banques, que ce soit le Crédit agricole, Arkéa Crédit mutuel, la Banque populaire, le CIC, la Société Générale, la Caisse d’épargne, BNP Paribas, la Banque postale et bien d’autres : venez dans le quartier, étudiez-le de très près, constatez les changements de sociologie et soyez les premiers à tirer ! Le premier arrivé sur un marché a toutes les chances de se l’approprier. »

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